Le Château de Bachivillers

Photographie du château de Bachivillers. ©DR.

En 1800, lorsque Durand Borel de Brétizel achète la terre de Bachivillers, il trouve une gentilhommière modeste, avec enfilade de pièces, située au fond d’une grande cour et délimitée par des dépendances : écuries, étables, bergeries et granges. Deux ans plus tard il fait abattre cette ancienne maison seigneuriale et entreprend la construction d’une nouvelle demeure, accompagnée de dépendances agricoles, en retrait de la précédente. Les travaux sont menés de 1808 à 1825 sous la surveillance du fermier du domaine, Jean-Baptiste Crèvecœur qui rachètera le château à la famille de Brétizel en 1838.

Le domaine, remis en vente après la Première guerre mondiale appartient aujourd’hui à la famille Dornès.
Le château est une agréable gentilhommière, sobre, bien proportionnée avec deux ailes latérales, dont les façades sont faites de moellons enduits et de chaines de briques harpées.
Lorsque Mary Cassatt envisage dans les années 1890 de louer une résidence d’été dans le Vexin, sur les conseils de Camille Pissarro, elle découvre cette demeure et y séjourne trois étés (1891, 1892, 1893). Malheureusement le propriétaire se marie et sa jeune épouse ne veut vivre que dans le château. Fort désappointée, Mary doit chercher un nouveau lieu de villégiature. Elle fait donc l’acquisition du château de Beaufresne au Mesnil-Théribus en 1894 et s’y installera principalement l’été jusqu’à sa mort en 1926.

Lors de ce séjour en 1892, elle reçoit une commande inattendue pour le Pavillon de la femme à l’Exposition universelle de Chicago qui doit ouvrir en mars 1893 : un décor mural aux dimensions colossales (plus de 4 mètres de haut sur près de 18 mètres de long) sur le thème de la femme moderne. Ce panneau doit orner l’un des tympans de la cour intérieure du pavillon. Mary Fairchild MacMonnies doit réaliser le pendant sur l’asservissement de la femme primitive. Ce projet est une initiative du couple Potter et Bertha Palmer qui milite pour la propagation de l’art aux Etats-Unis et pour l’émancipation de la femme dans la société avec le soutien de Lousine Havemeyer.
Après quelques hésitations devant l’ampleur de la commande, elle accepte et fait creuser dans le sol de la serre du château aménagée en atelier une longue tranchée pour s’épargner de peindre du haut d’une échelle. L’installation d’un système de poulie permet de manipuler le triptyque. La tâche reste titanesque, elle fait appel à un assistant pour les bordures décoratives et à un rentoileur pour les problèmes techniques de support et châssis. Elle accomplira le travail dans les temps en six mois. Elle ne reçoit pas de directives très précises sur le thème proposé et choisit de présenter dans un cadre bucolique, des femmes, des jeunes filles et des petites filles qui s’affairent dans un verger en cueillant les fruits de la connaissance et du savoir symbolisés par leurs récoltes.
Elle envoie l’œuvre en 1893 à Chicago, mais n’assiste pas à l’inauguration. L’accueil est mitigé car la divergence de style entre les deux tympans et le manque d’harmonie est trop marqués. Après le démontage, les panneaux seront entreposés mais très endommagés. On perd la trace de l’œuvre dès 1911.

Photographies des deux décorations tirées de l’ouvrage M. H Elliot sur l’exposition du Pavillon de la femme, Chicago, 1893 : La Femme primitive et La Femme moderne.

Seul témoin de ce travail intense, la toile Jeunes femmes cueillant des fruits (Pittsburgh, Carnegie Museum of Art), inspirée du panneau central.